Le Réseau des Femmes

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Le Réseau des Femmes2019-02-18T12:16:48+01:00

Ras-le-bol de voir, à travers les informations télévisées, des centaines de jeunes immigrés empruntant des pirogues de fortune, très souvent avec peu d’eau et de nourriture, traversant l’Océan Atlantique pour, finalement, mourir avant d’atteindre le milieu du chemin, tandis que d’autres rejoignent les abords des rivages pour garder leur repaire afin de se diriger vers l’Europe.
Parmi eux, des femmes, des jeunes, mais aussi des mères de famille avec leurs bébés …

Certains disent, alors qu’ils n’ont aucune expérience pour venir en Europe, qu’il suffit de suivre
les étoiles pour arriver à destination. Beaucoup parmi eux sont confrontés, hélas, à des impasses toutes aussi cruelles les unes que les autres. C’est sans appel : des corps morts flottant dans l’eau,
des « rescapés en sursis » refoulés par des autorités et succombant aux dures lois du désert, des barrières extrêmement hautes et dangereuses infranchissables aux portes des frontières jouxtant les pays de l’Europe. Quant aux plus tenaces, ils sont fusillés comme des animaux pour qu’ils soient empêchés de passer. La dernière image que l’on garde tristement en tête de tout ça, ce sont tous ces cercueils empilés les uns sur les autres, un voyage sordide sans espoir de retour.

Une souffrance sans nom, ces cris d’alarme, pluies de larmes tombant et ruisselant sur ma poitrine, me rongeant le cœur, les tripes et mon esprit, pendant des années et des années je me suis posée la question : Pourtant ressortissante et originaire du Sénégal, française intégrée et africaine par mes cultures, je me suis demandée, avec nos maigres moyens, ce qu’ensemble nous pourrions faire. Mais pourquoi les gens partent prêts à braver tous les dangers au péril de leur vie ? Pourquoi maintenant, plus que jamais ? Des questions, encore et toujours …

On a été sur le terrain, on a sillonné les villes où les départs à l’immigration ont eu lieu, dans les îles du Saloum qui sont une enclave de l’Océan Atlantique formant un bras de mer et qui constitue des centaines d’autres îles. On a écouté, questionné, entendu, posé des questions partout où nous sommes allés : on a constaté que des familles avaient été anéanties tout simplement.

Dans une famille, six jeunes qui partaient en immigration clandestine sont décédés. On a eu le témoignage d’un jeune rescapé qui nous expliquait, qu’après avoir épuisé la nourriture et le peu d’eau qu’il avait pu embarquer, comment les personnes se comportaient face à cette évidente pénurie, forcément fatale : une inimaginable atrocité et un irrespect entre eux d’une effroyable virulence ( je vous épargne les détails sordides ).

Autre témoignage reçu : celui d’une personne qui a été jusque dans un pays européen pour y être ensuite expulsé. Et enfin, celui d’un jeune qui, de lui-même en arrivant sur place, a vécu une maltraitance sans borne suivie d’une très grande déception de voir des personnes entassées les unes sur les autres. Après un an de séjour, il a reçu une proposition pour retourner dans son pays d’origine, avec une aide qui devait lui permettre de développer un mini-job, ce qu’il a accepté et il est retourné dans son village. J’ai voulu savoir, par les mamans et aussi les papas, ce qui les poussait à participer au départ
des jeunes en vendant leurs biens pour payer leur passage vers l’Europe à des gens sans scrupules, sans pitié, sans valeurs, sans respect de l’humain pour les faire embarquer dans des pirogues de fortune. La gravité ultime à souligner, c’est que ces convoyeurs sadiques et sans cœur ne les accompagne pas dans ces pirogues et se nourrissent de l’impureté et de la méchanceté, les laissant partir dans le convoi seuls.

Face à une telle douleur, une telle incompréhension, j’ai pris la décision de retourner en Afrique pour comprendre un tel fléau qui tue chaque jour sans cesse, sans accalmie. Ce phénomène ne s’arrête plus aux villes côtières mais commence à venir des villes de toute l’Afrique. J’en ai parlé avec des amis et beaucoup se joignent à moi pour partager ce projet. Mais selon les valeurs de notre association, on ne part pas avec un projet, on voit la demande sur place et, avec les bénéficiaires, on relève le défi.

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